Et si l’indépendance renforçait le collectif et la performance?
Indépendante mais jamais seule
ll y a quelques mois, j’ai pris une décision importante, fondée sur un besoin profond : celui de la liberté. Pas une liberté vague ou romantique, mais une liberté très concrète. Celle de choisir mes missions, mes interlocuteurs, mes horaires. Celle d’imaginer mon activité professionnelle autrement, en accord avec mes valeurs, mon rythme, et mon envie d’impact. Cette liberté-là, je ne l’ai pas choisie sur un coup de tête. Elle a mûri lentement, au fil de mes expériences, de mes rencontres. Elle s’est imposée comme une évidence, après des années d’engagement salarié, riches mais parfois enfermantes. J’avais besoin d’air. De marge de manœuvre. De souplesse. J’avais besoin d’explorer.
Depuis, on me demande souvent comment je vis l’isolement. Et il est vrai qu’au moment de me lancer, j’avais cette zone de doute. Celle de la solitude.
Allais-je me retrouver seule dans mon coin, coupée des autres, privée de cette dynamique collective que j’avais tant aimée dans mes expériences passées ?
La réponse est claire aujourd’hui : non. Mieux encore, c’est exactement l’inverse qui s’est produit.
Depuis que je suis consultante indépendante, ma vie professionnelle s’est ouverte. Les cloisons sont tombées. Les silos ont disparu. J’ai redécouvert le plaisir d’apprendre, de dialoguer, de découvrir des compétences que je ne possède pas, mais que je peux intégrer à un projet en m’entourant des bonnes personnes. J’ai appris à collaborer autrement : parfois pour une mission courte, parfois pour construire ensemble une offre de formation, une stratégie, un accompagnement sur mesure.
Chaque rencontre nourrit la suivante. Chaque échange me pousse à affiner ma posture, à muscler mes idées, à préciser ma proposition de valeur.
Et si l’autre ne nous éloignait pas de nous-mêmes, mais nous y ramenait avec plus de clarté encore ? On a parfois peur que les rencontres nous déstabilisent, nous diluent, nous fassent perdre notre cap. Mais quand on sait qui l’on est, quand nos valeurs sont claires et vivantes, les échanges — même les plus inattendus — deviennent des appuis, pas des menaces.
Chaque rencontre, chaque discussion, chaque collaboration est alors une occasion de se renforcer. Non pas en se rigidifiant, mais en s’élargissant. Contrairement à ce que disait Sartre, l’enfer n’est pas nécessairement les autres. Ce sont parfois eux qui nous révèlent à nous-mêmes :-)
C’est là, aussi, que réside la puissance de l’indépendance : dans cette capacité à s’ouvrir, tout en restant ancré. À assumer le risque d’entreprendre, de proposer, d’échouer peut-être… mais en sachant que l’on restera fidèle à soi, quoi qu’il arrive. Parce qu’on ne se perd pas, quand on avance avec conscience. Et c’est peut-être ça, au fond, le plus grand luxe : prendre le risque de réussir, sans jamais renier qui l’on est.
Quoiqu’il en soit, travailler en freelance, c’est souvent partir d’une page blanche. C’est analyser une problématique sans fiche de poste, sans organigramme, sans process prédéfini. C’est construire, brique après brique, une réponse adaptée, ancrée dans le réel, concrète et opérationnelle. Et ce travail, aussi passionnant soit-il, demande un vrai équilibre. Réussir à sortir du cadre pour innover et créer de la valeur, mais aussi savoir s’auto-censurer pour cadrer, structurer, livrer.
Cet équilibre, je le dois à mon parcours, à mon âge, à mes expériences. Je ne suis pas certaine que j’aurais été capable de l’assumer plus jeune. Il faut une forme de solidité intérieure pour accepter l’incertitude, assumer l’autonomie, transformer le vide en valeur. Cela ne veut pas dire que ce modèle est supérieur à un autre. Simplement, il ne convient pas à tout le monde. Et c’est très bien ainsi.
Car les entreprises, bien sûr, auront toujours besoin de salariés. De talents embarqués au quotidien. De femmes et d’hommes qui portent la culture, incarnent la vision, assurent la continuité des opérations. Le salariat est une force. Un socle. Une colonne vertébrale. Mais cela ne veut pas dire que tout doit être gardé en interne.
J’en ai déjà parlé, depuis le lancement de mon activité à travers l’agence Court-bouillon, la question de la délégation, de la sous-traitance, de l’externalisation est une réflexion qui s’invite régulièrement.
Faire ou faire faire ? C’est une question fondatrice. Qu’on travaille en restauration collective, en restauration commerciale ou en industrie agroalimentaire, elle revient toujours : où faut-il garder la main ? Et où peut-on, voire doit-on, déléguer ?
On a souvent envie de tout faire soi-même. Par peur de dépendre de quelqu’un d’autre, de ne plus maîtriser. Pourtant l’internalisation ne garantit pas non plus la maîtrise.
J’ai la conviction qu’il faut choisir ses combats, qu’on ne sait jamais tout (bien) faire au meilleur coût.
Ce qui fait votre différence : gardez-le. Développez-le. Musclez-le. Ce qui ne crée pas de valeur directe, ou qui peut être fait mieux ailleurs, ou plus vite, ou à moindre coût : déléguez-le. Externalisez-le.
Et attention : externaliser ne veut pas dire sous-traiter ce qui ne compte pas. Externaliser, aujourd’hui, c’est activer des expertises ciblées, pour améliorer la performance globale. Ce n’est plus une réponse par défaut. C’est une stratégie active.
Les entreprises qui réussissent aujourd’hui ne sont pas nécessairement celles qui ont les équipes les plus étoffées, mais celles qui savent s’entourer intelligemment.
Et ça tombe bien : la France compte aujourd’hui plus de 4,6 millions de travailleurs indépendants (source : Urssaf, 2023), dont une majorité en forte croissance sur les secteurs du conseil, de la formation, du digital, de la stratégie ou encore de la transition alimentaire. Ce sont des compétences activables, des ressources flexibles, des regards neufs.
Faire appel à une ressource externe, ce n’est pas recruter un exécutant.
C’est choisir un partenaire ponctuel mais stratégique. C’est faire entrer une respiration dans son organisation. C’est bénéficier d’un regard extérieur, d’une expérience complémentaire, d’une capacité à faire bouger les lignes sans déstabiliser les fondations.
C’est ce qu’on appelle de plus en plus un modèle asset-light : une entreprise qui reste agile, peu chargée en structures fixes, mais capable d’activer à la demande les compétences nécessaires à son développement. Un modèle qui permet de :
renforcer sa différenciation,
améliorer sa chaîne de valeur,
accélérer la mise en œuvre de projets clés,
dynamiser son image de marque,
tout en conservant sa capacité d’adaptation.
C’est, à mon sens, un modèle d’avenir. Pas pour tout, pas pour tous. Mais pour beaucoup.
Alors la vraie question n’est peut-être pas : faut-il externaliser ? Mais plutôt : sur quoi avez-vous intérêt à le faire ?
En ce qui me concerne, j’ai choisi : indépendante, je le suis. Mais jamais seule.
Je trouve dans mes collaborations, dans les projets de mes clients, dans des discussions inspirantes et bienveillantes avec d’autres entrepreneurs, dirigeants de quoi nourrir ma curiosité, mes besoins d’animal social et mon désir d’impact.
Parce que l’indépendance, bien pensée, bien construite, peut être l’une des expressions les plus puissantes… de l’engagement collectif.